La drosophile est
une toute petite mouche (généralement de 2 à 4 mm) très utilisée dans la
recherche scientifique. L’utilisation de mouches en laboratoire peut sembler incongrue
voir comique (si vous n’êtes pas trop jeune, vous vous rappelez sans doute du
sketch des nuls la mouche qui pète avec Mademoiselle Hortense !) mais elle
sert de modèle d’étude pour un grand nombre de chercheurs en biologie dans des
domaines extrêmement variés. En fait la communauté des
« drosophilistes » est très vaste :
Drosophila melanogaster (où Drosophila est le genre et melanogaster,
l’espèce) également connue sous le nom de mouche du vinaigre est l’espèce de
drosophiles la plus utilisée en laboratoire mais en réalité, il en existe
plusieurs centaines d’espèces. Sauf mention contraire, je me focaliserai donc sur
Drosophila melanogaster pour la
suite.
Concrètement la
droso (oui on est vachement intimes) est facile à élever, se reproduit comme
une folle et présente un cycle biologique très court si on compare aux
mammifères par exemple : une petite douzaine de jours pour obtenir un
individu adulte prêt à se reproduire. Une petite larve (L1) sort de l’œuf
environ 24h après la ponte (si il y a bien eu fécondation au préalable). Il
existe 3 stades larvaires chez la drosophile (L1, L2 et L3) avec une mue entre
chaque puis c’est l’empupement (transformation en pupe) et enfin la
métamorphose. De la pupe émerge une mouche. Il faudra encore quelques heures à
la femelle pour être capable de se reproduire.
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cycle_de_vie -
(attention tout n’est pas à
la même échelle)
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On comprend donc
aisément pourquoi c’est un modèle d’étude si répandu en laboratoire. Au niveau
des questions scientifiques qui peuvent être abordées, c’est très large.
Historiquement, elle a été (et est toujours) beaucoup utilisée pour étudier la
génétique : comprendre l’héritabilité des caractères comme la couleur des
yeux (en général rouge chez la droso) ainsi que l’embryologie : comment se
construit un organisme hautement organisé à partir d’un œuf fécondé, soit une
seule cellule au départ ?
Actuellement on parle
plus de biologie du développement que d’embryologie. Les études qui étaient au
départ très descriptives sont maintenant étendues à des aspects beaucoup plus
mécanistiques et/ou moléculaires. Les scientifiques cherchent à déterminer
comment le développement est contrôlé et régulé (ils s’intéressent notament aux
gènes, molécules, paramètres physiques et environnementaux, etc…). Par exemple,
chez la majorité des insectes dont la droso, le corps peut être subdivisé en 3
partie, la tête, le thorax et l’abdomen chacune pouvant être à son tour
subdivisée en différents segments. Par exemple sur T1 (pour premier segment
thoracique), se trouve une première paire de pattes en position ventrale et
sur T2 (pour second segment thoracique) sont localisés une seconde paire de
patte en ventral ainsi que les ailes en dorsal. Mais qu’est-ce qui fait que T2 présente
une identité de T2 et non de T1 et vice-versa? Hein pourquoi il n’y a pas
d’ailes en T1 ? Eh bien dans cette histoire il est beaucoup questions de
gènes et j’y reviendrai une prochaine fois.
En parlant de
gènes, même si à première vue, on peut penser qu’il n’y a rien de commun entre
un être humain et une mouche, il faut savoir que de nombreux gènes et
mécanismes cellulaires sont conservés entre la droso et l’Homme ! La
modélisation de maladies d’origine génétique affectant l’Homme est donc possible
via le modèle drosophile !
Par exemple,
l’ataxie de Friedreich (http://www.afaf.asso.fr/la-maladie/lataxie-de-friedreich/), une terrible maladie
d’origine génétique se caractérise par une atteinte du système nerveux ainsi
qu’une cardiomyopathie. Cette maladie est causée par une forte diminution en
frataxine, une protéine normalement présente dans la mitochondrie (l’organite
qui produite de l’énergie pour la cellule). Un équivalent de la frataxine
humaine existe naturellement chez la droso. Nous l’appelerons Dfrataxine. Le
taux de Dfrataxine peut être diminué dans le cœur de la droso par modification
génétique. La droso va alors développer des défauts cardiaques proches de ceux
présent chez les patients. Est-ce une reproduction de la pathologie cardiaque humaine ?
Non, faut pas pousser : un cœur de droso n’est pas identique à celui d’un
être humain et ne fonctionne pas pareil. Néanmoins cela constitue un très bon
modèle qui peut permettre de tester des médicaments potentiels qui pourront
peut-être à termes être utilisés chez les patients afin de diminuer leurs
problèmes cardiaques (une cause fréquent de décès dans l’ataxie de Friedreich).
L’étude complète est consultable sur le site de l’éditeur du journal Human Molecular Genetics.
Etudier les
processus de vieillissement normaux et/ou pathologiques (maladies
neurodégénératives par exemple) est aussi possible :
Encore un autre
exemple : les mécanismes évolutifs peuvent également être abordés grâce à
la droso. Pour ce faire, on va généralement étudier en parallèle des espèces de
drosophiles qui sont proches du point de vue évolutif (comme Drosophila mauritiana et Drosophila simulans).
L’idée est de comprendre les processus de spéciation c’est à dire comment apparaissent
de nouvelles espèces au cours de l’évolution. Une façon de faire est
d’étudier des mutations responsables de changements entre espèces de
drosophiles tels que des changements morphologiques.
oui… c’est très
sérieux ! Chez les drosophiles, les caractères morphologiques de
l’appareil génital mâle comptent parmi les premiers traits à diverger entre
espèces proches. Si vous ne me croyez pas, allez donc jeter un coup d’œil à la
publication de 2015 dans Genetics.
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