La dernière fois,
on en était resté à la question suivante « qu’est-ce qui fait qu’une protéine donnée assure telle fonction ? »
- C’est sa conformation spatiale !
Trop souvent quand
on dit qu’une protéine est une chaîne constituée d’acides aminés, on s’imagine
un genre de collier avec des billes de différentes couleurs, chaque couleur
représentant un type d’acide aminé.
- Alors que nan
quoi! On a dit qu’on faisait des bracelets en élastiques pas des colliers de
perles!
Sauf que les
propriétés des différents acides aminés combinées entre elles vont faire que la
chaîne va se replier d’une manière donnée et ainsi adopter une conformation en 3 dimensions bien
spécifique lui permettant d’exercer
sa fonction.
Par exemple, voici la
structure d’une protéine canal en
charge du transport du sucrose à travers la membrane chez certaines
bactéries vue « de profil » (a) et « de face », ici
présentée sous forme de trimère (complexe constitué de 3 unités) (b) avec
un sucre passant à l’intérieur :
Notez bien qu’il ne
s’agit pas d’un vulgaire tunnel dans la membrane qui va laisser rentrer/sortir tout
et n’importe quoi de la cellule. Le complexe est en fait très sélectif.
Après la relation structure-fonction
n’est pas toujours aussi « visuelle »…
La cellule possède
toute une machinerie pour favoriser et
contrôler le bon repliement des protéines.
En effet, puisque
la bonne conformation d’une protéine est nécessaire pour qu’elle exerce son
rôle dans ou au dehors de la cellule, on comprend bien qu’une protéine mal conformée
n’exercera pas correctement/pas du tout sa fonction, voir perturbera la tâche
d’autres protéines.
Des protéines (bah oui du coup) sont
donc présentes dans la cellule pour aider au bon repliement des protéines.
Et les protéines au
final mal-conformées seront éliminées.
Mais et les
maladies à prion alors ? Et les bracelets en plastiques dans tout ça?
On a vu que la protéine
prion cellulaire était une protéine normalement produite par notre organisme,
et celui des vaches, et celui des moutons, et celui des chats, et celui des…
bref, on va dire pour résumé que la protéine prion cellulaire est une protéine
normalement produite par tous les mammifères (ainsi que beaucoup d’autres
animaux).
Revenons aux
analogies un poil foireuses. Symbolisons la protéine prion par un élastique
avec une forme d’élastique donc.
On a donc ici un monomère (= 1 unité) présentant une forme
donnée dite « élastique normal ».
Sous cette forme
plus ou moins étirée (plutôt plus que moins je vous l’accorde),
l’élastique-protéine prion cellulaire va participer à différentes tâches dont:
-
celle d’emmerder nos collègues (une fonction d’une
importance capitale vous en conviendrez) donc
-
celle de grouper quelques outils de dessin histoire
de les trimbaler ensemble
Vous avez tous dû
voir cette mode des bracelets à élastiques où l’élastique replié sur lui même
est associé à d’autres élastiques eux aussi repliés pour former un bracelet.
Chacun des élastiques arbore au sein du bracelet une forme alternative dite « élastique replié ». Cette
forme alternative est étroitement liée à l’appartenance au bracelet/multimère
(= plusieurs unités).
Sous cette forme de
multimère constitué d’unités présentant
une forme alternative (un bracelet, quoi), de nouvelles fonctions peuvent être exercées comme servir d’ornement
de poignet (de bracelet, quoi) :
Des fonctions en
principe exercées par le monomère en forme « élastique normal »
peuvent aussi être exercées mais de façon différente. On parle alors de fonctions perverties. Si on reprend
l’idée de grouper ensemble quelques outils de dessin, on va là carrément se
trimbaler sa trousse ou son pot à crayons :
Maintenant, revenons
au prion. Le prion c’est un multimère protéique dont chaque unité correspond à
une protéine prion mal-repliée (= présentant une conformation alternative) et qui a la capacité de
trans-conformer (= rendre mal-repliée) la protéine prion cellulaire qui passe à
sa portée. C’est ainsi que le prion se propage dans l’organisme et plus
particulièrement dans le cerveau. Et une fois que ça a commencé, la progression
vers la mort est inexorable. Un peu comme quand le premier gamin a ramené son
bracelet en plastique dans la cour de récré. La mode allait se propager à tous
les autres gamins de façon irrémédiable…
Voilà j’espère que
c’est plus clair comme ça.
Evidemment, vous
avez surement des questions plein la tête du type « mais pourquoi la
cellule ne balance pas toutes ces protéines mal-repliées au
protéasome ? » ou alors « comment ces protéines mal-repliées
entrainent la mort des neurones ? ». Juste quelques éléments de
réponses (et soyons clairs, tout cela n’est pas très bien compris et fait toujours
l’objet de recherches scientifiques à l’heure actuelle) :
-
le prion sous sa forme mal-repliée est très résistant
à la dégradation,
-
il y a des arguments pour dire que de nouvelles
fonctions acquises par le prion et/ou des fonctions qu’il exerce de manière
anormales (fonctions perverties) peuvent avoir de manière directe ou indirecte
des conséquences néfastes pour la cellule,
-
d’ailleurs on pense qu’il y a perturbation de
l’activité du protéasome lors des maladies à prion et autres maladies
neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer (pour une revue – en anglais –
voir Ciechanover et Kwon, 2015).
Ah, et le coup des
crayons regroupés par l’élastique-protéine prion cellulaire, en vrai ça donne
quoi ? Et bien en regroupant différentes protéines, la protéine prion
cellulaire pourrait favoriser leurs interactions entre elles par exemple. Car
oui, les protéines interagissent entre elles. Et souvent une fonction n’est pas
assurée par une protéine seule mais un complexe de protéines.
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