mercredi 4 janvier 2017

Les maladies à prion - un ennemi qui vient de l’intérieur


Les maladies à prion sont transmissibles. En cause, un agent infectieux. Jusqu’ici, rien que du très classique me direz-vous. D’accord, mais par quel type de pathogène sont causées les maladies à prion ? 

L’agent responsable des maladies à prion est une protéine.
L’idée d’un agent infectieux de nature protéique a fait l’objet d’intenses débats depuis sa proposition en 1967 par John S. Griffith et la formulation du concept de prion (proteinaceous infectious particles) par Stanley B. Prusiner en 1982.
Néanmoins l’idée fit peu à peu son chemin dans la communauté scientifique et elle est maintenant largement admise. Pour faire simple disons que le concept du prion de mammifère, c’est une protéine pouvant exister sous deux formes : l’une dite « normale » et l’autre pathologique. Le prion est donc un peu le Docteur Jekyll et Mr Hyde des protéines.

A l’état normal, cette protéine, qui a depuis été identifiée, est appelée protéine prion physiologique ou cellulaire et est retrouvée chez tous les mammifères. Elle est produite par presque tous les tissus de l’organisme et est présente majoritairement à la surface des cellules.
- Figure d’après  Constance S.V. Petit, Laura Besnier, Etienne Morel, Monique Rousset & Sophie Thenet (2013) Roles of the cellular prion protein in the regulation of cell-cell junctions and barrier function, Tissue Barriers, 1:2, e24377, DOI: 10.4161/tisb.24377, article disponible à : http://dx.doi.org/10.4161/tisb.24377 -
Elle a de très nombreux partenaires cellulaires et extra-cellulaires et est impliquée dans de nombreuses fonctions de la cellule telles que la communication entre cellules, le développement des réseaux neuronaux ou encore la protection de la cellule contre différents stress cellulaires. Cette liste est loin d’être exhaustive.



De façon générale, les fonctions et les partenaires d’une protéine sont intimement liés à sa conformation spatiale ou 3D (la manière dont la protéine est repliée dans l’espace). L’exemple que l’on donne souvent, même s’il est assez limité, est la clef qui actionnée dans la serrure d’une porte va permettre d’ouvrir ou de fermer cette dernière : l’interaction entre la clef et la serrure repose sur leurs formes complémentaires.
La protéine prion cellulaire présente une conformation spatiale donnée, très bien caractérisée, avec laquelle elle va réaliser ses différentes tâches physiologiques en fonction de sa localisation dans la cellule, des partenaires présents, du contexte cellulaire et/ou environnemental, etc...
Dans certaines situations que j’aborderai par la suite, la protéine prion peut adopter une/des conformation(s) 3D alternative(s) qui lui confère(nt) des propriétés différentes de celles de la protéine prion cellulaire. On dit qu’elle est transconformée ou mépliée et c’est son accumulation dans le cerveau qui va aboutir à la dégénérescence des cellules neuronales. En conséquence, la forme mépliée est qualifiée de protéine prion pathologique mais on l’appelle aussi prion tout simplement.
Les molécules de protéine prion pathologique sont (i) agrégées entre elles et (ii) capables de transmettre leur conformation aux molécules de protéine prion cellulaire. Au contact des agrégats de protéine prion pathologique, la protéine prion cellulaire est convertie en protéine prion pathologique par des mécanismes qui seront discutés lors d’un prochain billet. C’est ainsi que l’infection se propage dans l’organisme.




Comment l’accumulation de protéine prion pathologique dans le cerveau conduit-elle à la mort des neurones constitue une des grandes questions auxquelles cherchent à répondre les chercheurs travaillant sur les maladies à prion. Je ne serai donc pas en mesure de vous donner une réponse bien nette et toute jolie. Un élément de réponse cependant : la mort des cellules neuronales est liée à la conversion de la protéine prion cellulaire produite par les cellules neuronales elles-mêmes. Il ne suffit donc pas de mettre de la protéine prion pathologique en contact avec des cellules neuronales pour que celles-ci dégénèrent.
Il est proposé que la conversion de la protéine prion cellulaire neuronale en protéine prion pathologique puisse perturber la bonne marche des fonctions impliquant la protéine prion cellulaire dans les cellules neuronales. La protéine prion pathologique pourrait également être toxique en elle-même pour les cellules neuronales.
 

Pour aller plus loin :
- Le mouton, la vache et le vieux papou de Mohammed Moudjou, un livre très poétique pour découvrir l’histoire des recherches effectuées autour des maladies à prion (http://www.edilivre.com/auteurs/mohammed-moudjou-10096.html)
- Le site de l’Organisation mondiale de la santé animale pour s’informer sur l’évolution de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB ou maladie de la vache folle) dans le monde (http://www.oie.int/fr/sante-animale-dans-le-monde/donnees-specifiques-sur-lesb/)


A suivre : Les maladies à prion – aujourd’hui on fait un atelier bracelets en élastiques

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